Par un beau matin d’été 2005, Raymond est parti de son village  à la suite d’innombrables pèlerins, qui au cours des siècles se rendent là-bas vers Compostelle.





Un jour, je partirai


Cela remonte à plus de 8 ans le jour où j'ai entendu parler pour la première fois du « Chemin de Saint-Jacques de Compostelle ».Ce chemin était fait pour moi, c'était lui que je cherchais.

Toutefois, c'est seulement depuis deux ans, soit en 2003, que j'ai ressenti le besoin de faire ce pèlerinage.

Je décrirai ce besoin comme un appel, un appel très fort qui me permettrait de connaître l'autre, de découvrir la nature et de me ressourcer spirituellement.


Pourquoi dire oui, pourquoi dire non?

- Rejeter cet appel c'est renoncer, éteindre mes rêves

- Accepter cet appel c'est lourd de conséquences, cela demande un effort aux autres et sur moi-même.

Après quelques doutes, l'appel étant plus intense et mon épouse Marie-Thérèse ayant compris et accepté mon désir, ma décision était prise, un jour, je partirai.


En 2004, avec mon épouse et mon fils Jean-Luc, nous sommes partis en vacances au Puy en Velay ; ce qui m'a permis de m'imprégner du pèlerinage. Je me suis senti envahi par l'agréable sentiment d'avoir un pied sur le chemin.


En 2005, j’ai obtenu un congé sabbatique. Le départ est proche. Mon épouse accepte de parcourir un petit bout de chemin avec moi. C'est pourquoi le samedi 9 juillet, nous partons de Cluny et arrivons le 13 juillet à Charlieu. Pour Marie-Thérèse, ce fut une expérience inoubliable, elle s'est sentie portée et plus forte. Pour ma part, ce fut un enseignement précieux. Mon approche du pèlerinage était différente. Je souhaitais être plus autonome, plus libre sur le chemin, moins dépendre d'une structure établie, vivre au hasard des rencontres et des possibilités. Je voulais laisser la spontanéité me guider.


Iguerande le 25 juillet 2005 premier jour


Du seuil de ma maison au parvis de la Cathédrale Saint -Jacques


Au petit matin mon épouse et moi sommes réveillés. Beaucoup de choses circulent dans nos têtes. Au fond de moi-même je me demande si ce que je fais est bien normal. Bon allez hop! Il faut se lever. Mon sac n'est pas encore bouclé, des choix restent à faire, le tube de lessive que Marie-Thérèse m'avait soigneusement préparé, je le vire : trop lourd ! Ce qui nous vaut une petite dispute, comment vas-tu laver ton linge ?


Une fois le sac bouclé, le stress est retombé. Muni du crochet à lapin (petite romaine) elle le pèse, 10 kg tout de même. Jean-Luc fait quelques photos dans la cour.

Puis c'est l'au revoir, un au revoir simple, comme si je partais pour la journée. Nous nous sommes quittés dans la joie intérieure, avec le sourire. Je franchis le portail sans me retourner en emportant le sourire complice de mon épouse.

À 1 km de mon départ, première rencontre! Antonin dit "Toto" un voisin qui porte de l'eau à ses bêtes. Un petit arrêt à l'église d’Iguerande puis je traverse le pont de la Loire, longe le canal jusqu'à Briennon pour rejoindre le chemin "Cluny - Le Puy-en-Velay".

Le vide s'installe en moi, adieu les soucis quotidiens, " Bienvenue dans le nouveau monde".

Bivouac à Saint Romain la Motte. J'effectue de petites courses alimentaires, l'épicière m'informe d'une messe à 18 heures 15. Le prêtre évoque le Saint du jour, je viens de réaliser que j’étais parti le jour de la saint Jacques...

ar: Saint Romain la Motte


2°)... Saint Jean- Saint Maurice…le boulanger offre une galette Saint Jacques à tout pèlerin de passage.

ar: Saint.J-SM

 

3°)... Je regarde derrière moi, j'ai l'impression d'avoir fait beaucoup de chemin; comme il me serait pénible de faire demi-tour !

ar: Bussy Albieux


4°)... Il fait très chaud en chemin, je suis heureux à l'idée de faire la surprise de ma visite à Soeur Madeleine. Elle a soigné et accompagné mes parents il y a fort longtemps. La maison de retraite est là, mais on me dit qu'elle est dans sa chambre, malade, elle ne peut pas me recevoir. Je repars un peu dépité. En ville de Montbrison le fléchage est difficile, je rentre dans l’église, quelqu'un vient me saluer. Il m'indique un refuge possible au monastère Sainte Claire où je fus accueilli chaleureusement comme si l’on m’attendait. Les soeurs m'invitent à une célébration du soir, là, je ressens la ferveur, le détachement.

ar: Montbrison


5°)... Au petit matin deux soeurs me confient des prières et un petit sachet contenant un morceau du cierge Pascal de Rome. Il va me protéger, guider mes pas.

Je ne sais comment les remercier, elles disent que c'est la Providence.

Montbrison fut un tournant. Avant, j'étais randonneur, maintenant, je me sens vraiment pèlerin.

Pour la première fois depuis mon départ le temps est orageux. Vers midi il faut trouver un abri. Dans le village de Montsupt, le dessous d'une terrasse de maison me va très bien mais la propriétaire m'invite à sa table. Elle est heureuse à l'idée de partager son repas. Après le café, une éclaircie apparue, c'est le moment de partir. Je me trouve en forêt, le chemin est jalonné de grosses pierres. Le soir approche et l'orage revient à grand pas. Plus j’avance, plus j’entends des cris d'enfants. Il doit y avoir une colonie de vacances toute proche où peut-être on peut m'accepter pour une nuit.

D'un coup le chemin débouche dans un hameau. À la première maison, je demande l'hospitalité, une jeune femme me répond ne pas pouvoir me recevoir, une autre surgit et me dit de m'asseoir. J'en profite pour tirer mon repas du sac. Un homme vient me tenir la conversation. Dans cette ancienne ferme cinq ou six couples de la même famille sont en vacances. Des enfants rentrent par une porte et ressortent par une autre !

On m'installe un matelas dans un fenil où les enfants font leur "spectacle". Au rez-de-chaussée, dans une petite pièce, dont les murs sont bien noirs, une bûche flambe dans la cheminée (la pluie d'orage a bien rafraîchi).

Un champion de France est assis à mes côtés. Il me fait découvrir sa passion : l'orientation en eau trouble. Tout le monde m'appelle par mon prénom, je me sens aimé de cette grande famille. Mais la soirée s'avance, il est temps de dire bonsoir à tous. On me donne les consignes pour demain matin car je pense partir tôt. En montant les escaliers une femme me suit, elle veut me donner des couvertures. Au moment de se dire au revoir,

elle me demande si je suis croyant. Je me suis entendu lui répondre que j'étais un tiède… ar: La Citres


6°)... À mon réveil, toutes les choses nécessaires à mon petit déjeuner sont sur la table, plus une petite lettre...

Merci Raymond, merci pour votre passage parmi nous. Merci pour votre regard en quête de vérité, d'échanges, de l'invisible peut-être. Merci pour votre désir de rencontres vraies. Nous vous souhaitons de bien continuer votre chemin. Que notre papa du ciel vous accompagne et vous bénisse pour chaque pas.

Bonne route si nous ne nous revoyons pas demain matin.

Nous tous!


En réponse: merci la maison M.... j'avais peur de l'orage vous m'avez accueilli...


Chemin faisant, un homme qui randonne sur les GR me dit ne pas connaître le pèlerinage de Compostelle mais un jour il le fera, promis. Cette rencontre me touche beaucoup.

À Cubelle, hébergement chez une dame âgée. Son mari est très malade et en plus elle se fait du souci pour moi! ar: Cubelle


7°)... Aujourd'hui, c'est dimanche. Dans mon sac il n'y a plus que du pain sec! Arrivé à Valpriva miracle! Deux camions, l'un le boulanger, l'autre l’épicier. Ils sont là avant la messe de neuf heures.

Une fois mes petites courses faites, je suis les paroissiens à l'office.

Après-midi voyant une dame âgée sous son parasol, je lui demande un café. Elle et son mari m'accueillent gentiment. La conversation part sur le pèlerinage, je lui confie ma lettre de la veille: qu’elle lit à voix haute pour son mari et s'en trouve émue...

Dans Retournac, une moto passe, revient et s'arrête. C'est une collègue de travail avec son copain venus visiter la famille. Ils m'offrent une bière. À l'office du tourisme, on m’offre une invitation pour une exposition de produits régionaux. J’en profite pour grignoter et déguster du bon vin dans une ambiance bon enfant. Le soir camping municipal en bord de Loire. Je me sens un peu isolé dans ce camping. ar: Retournac


8°)... Chamaliére...ça grimpe dur. Une dame d'un âge m’attend à son portail. Je sens bien qu'elle veut me parler, quelques banalités avant d'aller vers l'essentiel. Une vie bien remplie, trop peut-être. En chemin, je pense longtemps à elle : ces propos m'interpellent. Le soir venu, ayant repéré une pelouse accueillante, je demande à l'habitant si je peux bivouaquer sur son terrain. Il accepte mais m'indique un autre terrain rugueux à proximité…! Après avoir sympathisé, la belle pelouse m'est proposée.

Un peu plus tard sa femme rentre. Il revient me voir disant qu'il avait complètement oublié qu'il a une annexe avec un lit ! La confiance s'installe et finalement la soirée se termine à leur table. ar: chez l'habitant

9°)... Grâce à une erreur de parcours, j'ai rencontré un berger accompagné de "Noirette" et son chiot. J'apprends que le dressage de chiens de troupeau peut tout simplement se faire de mère en fille. Il mène paître ses moutons dans les bois environnants car la région souffre de la sécheresse.

À l'entrée d'un petit hameau trois chiens m'entourent. Leur maître est tout là-haut dans sa maison collée à flanc de montagne, il crie sur ses bêtes. Dans ce vacarme, je m'hasarde à lui demander si je peux m'arrêter chez lui pour manger. L'homme de pays paraît un peu bourru avec ses grandes moustaches. Tout en discutant, il met deux assiettes sur la table et un litre de vin. Moi je prépare les pâtes pour accompagner un restant de viande. Le repas s’en trouve naturellement préparé en commun. Malgré la pluie, je me sens heureux d'arriver au Puy… C'est une étape importante dans mon coeur, 200 km depuis mon départ !

À la première cabine téléphonique, je fais partager ce moment de bonheur à mon épouse.

L'année dernière nous avions loué un meublé ici pour une semaine. La propriétaire m'avait proposé un hébergement chez elle quand je ferai mon pèlerinage, " Donc me voici!"

Elle est étonnée de me voir arriver sous une pluie battante. J'occupe la chambre de son fils.

ar : Le Puy en Velay

 

10°) Le Puy…jour de repos. Il pleut toujours. Visite de la cathédrale, petite promenade dans la ville, achat d’un chapelet fait de bois, envoie de quelques cartes postales.


11°)... Messe de sept heures et bénédiction des pèlerins en la cathédrale. L’évêque remet à chacun de nous une médaille et demande d'où l'on vient et jusqu'où l'on va. Nous sommes peut-être une vingtaine, ce matin, à partir pour une semaine, pour un mois, pour Conques, ou Saint Jean Pied de Port, mais seulement deux pour Saint - Jacques.

Puis il nous convie à emporter des intentions qui ont été déposées la veille. Enfin le tampon sur la crédenciale, une photo à la sortie de la cathédrale. Et c'est parti...

Dans la matinée, il me vient à l'esprit ceci :


Le chemin est fait de petits bonheurs, mis bout à bout, forment un fleuve qui nous inonde “.


Après mon pique-nique, rencontre d'un groupe qui se rend au Puy. Une personne veut laisser un message sur mon carnet :


Cher Raymond, comme le seigneur est bon car il met sur nos chemins, des frères que nous ne connaissions pas encore.

Merci pour ce partage ; que le Seigneur touche votre coeur et qu'aidé de sa toute douce mère, vous puissiez découvrir combien il est grand et plein d'amour tout au long de votre vie... pour vous et pour tous

Et recevez sa bénédiction

Continuez à être son instrument inutile, pour sa plus grande gloire.

On se retrouvera tous et toutes auprès de lui

Amen

Pèlerin Myriam de notre Dame du Oui


Arrivé à Rochegude, je décide de dormir dans la petite chapelle. ar: Rochegude


12°)... Au départ une descente abrupte faite de rochers et de racines sur 1,5 km. Mes deux bâtons sont d'un grand secours. Arrivé en bas, les jambes sont en compote. La petite chapelle est là-haut dans le ciel bleu. ar: Saugues


13°)... Entrée dans la Lozère, passage à la chapelle Saint-Roch, un panneau indique 1290m. ar: Saint Alban sur Limagnole


14°)... Dimanche. Dans l'Aubrac, de bon matin, je rattrape une suisse allemande, elle a une démarche bizarre ! (une ampoule au pied) peut-être que ma poudre "sénégalaise" va la soulager. Plus loin, on trouve une norvégienne qui s'est délestée. Tout ce qui n'était pas vraiment indispensable dans son sac, elle l'a déposé dans le fossé. On y trouve, bouteille thermos, sandales etc. etc. À Aumont-Aubrac, rencontre d'un jeune homme ; Camille, je l'accompagne à la messe. Au cours de la célébration, le prêtre annonce : deux pèlerins ont demandé une bénédiction ?. Avec mon nouvel ami, je me retrouve planté au milieu de l'église. Tous les regards sont sur nous !

À la sortie un homme indique une salle où l'on peut manger. Un groupe de moines avec leurs familles s'y trouvent. L’ambiance est à la fête. Dans l’Aubrac, les chemins sont bordés de murets de pierres sèches. Le soir, le vent souffle, le ciel se fait menaçant. Cette campagne semble inhospitalière mais, plus loin encore, des vacanciers me proposent leur garage.

ar: chez l'habitant


15°)... Rieutort d'Aubrac, rencontre de Jean-Claude, il me dit aller à Saint-Jacques à moins que sa femme le rappelle ! (c’est une convention entre eux). Mais pour l'instant il va prendre un café. On se reverra, promis. Nasbinals, je retrouve Camille. Tout en bavardant, les kilomètres tombent sous nos pieds. Nous arrivons dans un petit hameau, un habitant nous explique qu'autrefois, dans cette région ils vivaient de châtaignes. Puis il nous fait visiter une vieille maison qui appartenait à ses grands-parents, on y retrouve tous les ustensiles d'époque. L'endroit est idéal pour notre bivouac. J'ai l'impression que l'Aubrac est déjà loin derrière nous. ar: chez l'habitant


16°)... Au petit matin, je quitte Camille car il veut encore dormir ! En chemin, je fais la connaissance d'un couple d'autrichien Clémens est parti de Vienne à pied ! Martina l'a rejoint en train au Puy-en-Velay. On se comprend difficilement mais le courant passe bien, nous sommes dans le même bateau. À Estaing, après avoir fait une photo sur le pont, nous nous séparons. Je me rends à l'hospitalité Saint-Jacques. J'apprécie l'ambiance et le confort : douche, repas, lit. Il est temps de se mettre à table mais avant il y a la prière. Le repas servi, les conversations fusent. J’apprends que cette communauté a été créée par Elisabeth et son mari, après avoir fait le pèlerinage. Un coup de main pour la vaisselle, c'est l'occasion de faire des connaissances, Christian, parisien, il me paraît très sûr de lui malgré sa jeunesse. Dans la soirée, Elisabeth me rapporte mon linge tout propre et sec. Elle dit le faire uniquement pour ceux qui vont jusqu'à Santiago. ar: Estaing



17°)... À mon départ, un des hospitaliers m'accompagne jusqu'au bout du pont et me demande de prier pour sa sœur. Pour lui, ils sont en conflit, depuis qu'il a choisi de devenir prêtre.

La région est très belle. En fin d'après-midi, l'orage arrive. Une habitante de Sénergues m'indique un préau d'école où je peux passer la nuit. ar: Sénergues


18°)... Quelqu’un me suit, Cécile de Bruxelles, elle est bien jeune. La pluie d'orage a rendu le chemin glissant. Après une grande descente: Conques, il est 9 h 30 beaucoup de pèlerins, de touristes. Christian et Jean-Claude sont là. Vers 13 heures, Cécile m'offre une pâtisserie. Puis dans la conversation, j'en viens à lui confier le deuil de mon ami Simon.

Visite dans le monastère, tampon sur la crédenciale, où deux pèlerins attendent le médecin, avec d'énormes ampoules aux pieds, c’en est fini pour eux !

Ici, pas d'épicerie que des souvenirs. J'envoie une carte postale à mon frère : Sainte Foy de Conques. J'ai envie de continuer mon chemin. Dans un village nommé Moailhac, un bistrot tient une épicerie uniquement pour les pèlerins, il suffit de choisir ses produits sur une liste, le temps de boire une bière bien fraîche et vous êtes livré ! ar: Moailhac


19°)…  Après Decazeville. Un tri sévère s'impose dans mon sac, un pantalon, un short, plus quelques bricoles sont expédiées à la maison. Aujourd'hui, c'est une journée plate, un peu de fatigue. À Montredon, je bivouaque à côté d'une chapelle. "Non la journée n'est pas finie " ! En contre bas une maison de retraite. Je vais rendre visite aux personnes âgées qui se trouvent sur la terrasse de l'établissement. Après avoir été le centre d'intérêt, je me retrouve seul avec une vieille dame qui me raconte l'histoire de Guillaume, son petit fils, guéri miraculeusement d'un grave accident. ar: Montredon


20°)... Samedi matin, en arrivant à Figeac, le marché bat son plein. Il est 12 h 30 j'en profite pour acheter quelques produits régionaux. Mon repas est pris sur un banc de la ville. Un SDF vient me tenir conversation, il me répète souvent les mêmes choses comme les problèmes avec son ex. Je lui offre quelque chose à manger mais il refuse. Puis je fais un peu de tourisme, histoire de se dégourdir les jambes !

Vers 15 h, c'est Camille qui accueille dans une annexe du couvent des soeurs Carmelle.

Christian et Cécile étaient là ainsi qu’Isabelle "Canada" que je ne connais pas encore. Elle a un fort accent. Elle nous raconte ses mésaventures : elle a fait tamponner sa crédanciale à la poste !

Comme j'ai du temps libre, une petite lessive s'impose. Un italien arrive, Joshépé, on s’est déjà rencontré plusieurs fois. Lui n'est pas à son premier périple. Avant le souper, ceux qui le souhaitent rejoignent les soeurs pour un moment de prière. Puis le souper est pris en commun. Le refuge est très petit ce qui lui donne un air de famille dont Camille est la maman. ar: Figeac



21°)... Ce jour, rencontre d'Andy un solide gaillard de vingt-sept ans. Depuis la Belgique il fait le chemin pour se prouver qu'il peut le faire. Son projet est d’emmener avec lui des personnes en réinsertion. Il y a aussi Kathy qui vient d'Allemagne, cheveux tressés, robe longue, accompagné de son chien "Sirius" qui a sur son dos deux petites sacoches en bandoulière. Je me sens en pleine forme, bien décidé à marcher jusqu’au crépuscule. La nuit tombe et je me retrouve en rase campagne  obligé de bivouaquer derrière un tas de gravier. Cette nuit, il y a une pluie d'étoiles filantes, "ce phénomène a été annoncé dans la presse". ar: en rase campagne


22°)... Dimanche, à Limogne de Query, Jean-Claude m'invite à l'accompagner à la messe de 11 heures. Après quelques courses dans le village, nous partageons notre repas dans un chemin ombragé : "le bonheur". À Vaylats, j'arrive un peu tard au monastère, on m'annonce plus de place ! Mais après une revue de casernement une place est enfin trouvée. L’hospitalière nous raconte sa vie... sa vie de pèlerin... On l'écoute poliment, ce qui nous met en appétit ! Heureusement le repas est fort copieux. ar: Vaylats


23°)... Au matin, Cécile me rattrape. La conversation part sur la spiritualité; on échange beaucoup nos idées. Vers 10 heures, elle décide de faire une pause. Moi, je continue. 8 km plus loin, étant plus de midi, je décide de m'arrêter. La chaleur est suffocante, sur le bord du chemin, un chêne me tend les bras, ses branches touchent le sol faisant un très bel ombrage. Le repas terminé, j'entends quelqu'un arriver - c'est Cécile. «Bienvenue au paradis!» lui dis-je. Elle s'assoie par terre au pied de l'arbre. Elle n'a pas mangé, je lui donne quelques trucs qui me restent. Son pèlerinage touche à sa fin, le coeur n'y est plus. Elle s'arrête à Cahors pour rentrer à Bruxellesdemain matin,par le train. Elle pense au retour puis me confie la vie de sa famille. Son papa est très malade : se confier lui fait du bien. Je l'écoute, que dire? Puis nous repartons. À l'entrée de Cahors, dans l’accueil, boissons fraîches et petits gâteaux sont offert gracieusement. Coup de tampon sur la crédenciale, puis nous allons visiter la cathédrale.

Le moment de se dire au revoir approche, Cécile m'offre des chocolats belges, moi le nouveau testament. Son auberge est toute proche mais elle décide de m'accompagner au bout du pont « Valantrés ». Je lui promets d'emporter ce qu'elle m'a confié à Saint-Jacques. Le chemin continu, à la sortie du pont, ça grimpe comme contre un mur.

Le soir, je m'écarte du chemin pour demander l'hospitalité. Une dame, en compagnie de sa fille et d'une cousine, m'offre une menthe à l'eau. La conversation aidant, elle me propose de prendre une douche et de laver mon linge. Puis son mari arrive et me convie à leur table. Le soir, je bivouaque sur leur pelouse. Mais vers 3 heures, à cause d'une petite pluie d'orage, je m'abrite sous la table du salon de jardin. ar: chez l’habitant


24°).. Avant de partir, je glisse un petit merci sous la porte. Passage à Lescabannes. J’arrive à Montcuq où je bivouaque sous la terrasse d'une maison en réparation. ar: Montcuq


25°)... Lauzerte Durfort, Lacarpellette... En fin de journée, le long du chemin, je vois un homme dans sa cour de maison. D'un coup, je décide de le solliciter ! « Y a pas de problème c'est souvent que des pèlerins s'arrêtent chez moi! ». Il m'offre une bière bien fraîche, j'apprécie beaucoup. Puis je me douche avec le tuyau d'eau du jardin. Dodo dans le garage. ar: chez l'habitant


26°)... Au matin, le petit déjeuner m'est offert gentiment. Muni de son album photos, il me fait découvrir ses parties de pêche au Canada, des histoires d'ours ; c'est un grand passionné qui aime beaucoup ce pays.

Je pense avoir un début de tendinite au tibia gauche. Une petite étape est la bienvenue Arrêt à l'abbatiale Saint - Pierre de Moissac. À la sortie de la messe de 18 h 30, Jean Claude,"le Saint Bernard des Pèlerins" me donne des médicaments pour soigner ce que je crois être une tendinite !

À l'accueil Carmel, Je popote moi-même mon repas et invite un garçon un peu perturbé qui squatte les lieux. La soirée va mal se terminer pour lui... ar: Moissac


27°)... Sur le chemin, je rencontre une jeune fille Slave. Elle ne parle que très peu le français. J'aurais tellement aimé connaître son histoire…

Vers 11 heures, je m'arrête dans l'église de Malause où une dame m'accueille à bras ouverts. Elle est originaire d'Italie, me dit avoir fait des pèlerinages en car. Elle fleurit l'église, lave le sol, tout est nickel... mais elle se lamente car il n'y a plus de prêtre dans la paroisse.

Midi, pique- nique le long d'un canal avec Aline et Alfred.

À Auvillon, c'est la fête au village, on m'offre des pommes et du jus.

À Bradingues, très beau petit village mais aucune animation. Je demande l'hospitalité à une dame qui refuse car elle dit être malade. Je doute beaucoup… Je bivouaque donc sous le porche de la mairie où je dors mal car il y a beaucoup de passages de voitures.

ar: Bradingues


28°)... À Miradoux, je trouve que la petite épicerie est très agréable. Puis à midi, je m'arrête chez Thérèse car un écriteau accroché sur sa maison signale qu'elle reçoit les pèlerins. L'accueil est assez froid, "vous êtes ici chez moi"! Puis très vite je deviens un fils. Après avoir pris le repas en sa compagnie, je passe un coup de balai un peu partout. À mon départ, elle m'embrasse et chante l'Ultreia.

« Elle garde toujours une place pour celui qui arrive à l'improviste ! ».

Le soir, je ne rencontre personne. Je passe la nuit dans un bâtiment agricole qui est à l'abandon proche de Lectoure. ar: Lectoure


29°)... Martina et Clemens me donnent un guide dont ils n'ont plus usage. On passe une partie de la journée ensemble et on se sépare. À Condom, je visite la cathédrale Saint - Pierre à 17 h 30 une messe commence, je prends place et à la fin le prêtre me tamponne ma crédenciale. Puis je trouve l'hospitalité chez l'habitant dont le fils avait fait le pèlerinage Condom - Saint Jacques de Compostelle. Je m’installe dans le jardin. Durant la nuit une petite averse me réveille. Heureusement qu'un saule pleureur est tout proche car il m'abrite bien. Mais le sommeil ne vient plus. Trop de choses circulent dans mon coeur, mon esprit... Je mesure combien j'ai de la chance, toutes ses rencontres, toute la force qui est en moi, celle que j'ai reçu, l'insouciance qui m'habite. La marche quel bonheur ! Jésus... pourquoi ma tu tout donné...? Je te demande pardon de mes fautes, de ma tièdeur. ar: Condom


30°)... Au départ de Condom, il pleut. J’ai mal dormi, la fatigue doit se lire sur mon visage; je l'observe chez l'épicier car des clients se retournent derrière moi ou peut-être pensent-ils que je suis un clochard !

À Monéale du Gers, le beau temps revient. Ouf !!!

Dans une maison je demande de l'eau et on m'offre le café et l'armagnac de pays. ar: Eauze


31°)... Déjà un mois depuis le départ. Nogaro...


32°)... Marche monotone le long des champs de maïs… Arrivé à Aire sur l'Adour, je me rends à l'accueil qui se trouve dans une aile de la cathédrale. Yves me reçoit comme si j'étais unique, avec petits gâteaux et boissons fraîches. Il me trouve fatigué et me propose un hébergement à l'hôtel de la paix. C'est OK! La patronne Maryse une gentillesse sans nom. Dans le dortoir de l'hôtel, un anglais mange un épi de maïs, il dit l'avoir ramassé par terre et faire tort qu'aux fourmis ! Il joue du violon, fait la manche dans les lieux touristiques ce qui lui permet de continuer son voyage vers le Portugal. ar: Aire sur l'Adour


33°)... Nous sommes nombreux à faire une pause d'une journée, d'ailleurs il pleut !

Les clients de l'hôtel sont pour la plupart des voisins commerçants, on peut y trouver une pharmacienne, un boucher, etc. Tout ce beau monde se sert eux-mêmes au bar, à la bonne franquette.

Le soir venu, je me rends à la bénédiction en la cathédrale, faite par un prêtre. Sur le cahier un message pas banal que je note sur mon carnet pour l'emmener à Saint - Jacques: Dieu si vous existez, aidez- moi, je n'en peux plus de cette vie, ramenez moi, enlevez moi de cette terre où l'on ne cesse de souffrir.

Au moment de sortir, un chant attire mon attention, Jean-Claude me dit que c’est Anne France. Curieux, je reviens sur mes pas et découvre une jeune femme à genoux implorant la Vierge Marie. Nous sommes quelques-uns là. Sa voix nous pénètre, on n'ose plus bouger.

À la maison des pèlerins, un repas en commun se met en place, chacun sort de son sac ses trésors. Andy tout en jouant de la guitare chante en flamand, puis l'anglais, mangeur de maïs, joue de son violon. Dans la rue, il pleut à seaux mais ici c'est le bonheur qui se lit sur tous les visages. La soirée s'avance, il faut aller dormir et demain repartir encore... Saint - Jacques nous attend…!


34°)... Ce matin il pleut encore. Je pars seul, le poncho bien en place, les chaussures enveloppées dans des sacs de supermarché. À midi le soleil revient.

Ne dit-on pas: “la pluie du matin n'arrête pas le pèlerin“...

Pique-nique à midi avec un groupe d'allemand. Vers 16 heures, Christian me rejoint. À l'aide de mon petit réchaud à bois, nous faisons une pause café. L’étape me semble encore longue. Christian marche vite pour rejoindre le gîte, je m'accroche péniblement à la locomotive. À notre arrivée, deux places sont encore disponibles dans le gîte communal.

ar: Arzacq-Arrazigurt


35°)... Dimanche 28 août. Dans le gîte, beaucoup sont déjà partis. Un voisin de chambrée est encore là. Dans la conversation, je lui dis qu’aujourd'hui c'est dimanche et à 9 h 30 il y a messe au village. Il souhaite venir avec moi. Il s'appelle Dirk, il marche depuis Stuttgart. Chemin faisant il me confie sa vie, ses espoirs "j'ai soldé mes affaires, travaillé uniquement pour moi seul, à quoi bon, trente-sept ans, célibataire, si je trouve l'amour en France, en Espagne ou ailleurs je pose mon sac".

À Pomps, une petite épicerie est ouverte. On en profite pour déguster une glace. Andy, qui a sculpté un superbe bâton, se désole de le voir s'émousser: "il faut le ferrer". À ma demande, un habitant se fait une joie de visser un tire-fond à son extrémité. ar: bivouac à Pomps


36°)... À Sauvelade, il y a un bel ombrage, derrière l'église, où l'on se retrouve un petit groupe. Je fais plus ample connaissance avec Kathy, partie de Frankfurt pour rejoindre Santiago où elle va reprendre ses études mi-septembre, dans le cadre d'un échange d'étudiants.

ar: Sauvelade


37°)... Dernière rencontre avec Christian, il pense rejoindre Saint - Jean Pied - de - Port en bus ou en taxi car demain il retourne à Paris. En compagnie de David, on fête son départ d'une petite bière sur la terrasse d'un café.

Le soir venu, je me retrouve seul dans le petit village de Lichos. Dans une ferme, un homme m'accueille. Je lui demande si je peux laver ma salade de pissenlits. Il est très étonné car il n'a jamais vu quelqu'un en manger ! (même les vaches ne mangent pas ça !) On prend l'apéritif. Sa femme arrive, elle me donne des tomates, du vin et me fait de la vinaigrette. J'ai l'impression qu'ils ont pitié de moi, je leur assure que tout va bien.

Il y a une petite chapelle toute proche où je vais pouvoir dormir. Je laisse chauffer au soleil une bouteille d'eau pour la douche. En attendant, dégustation de salade de pissenlits agrémentée de tomates. ar: Lichos


38°)..... Anne France et Stanislas m'accompagnent. Chemin faisant, on fait plus ample connaissance. Ils sont de la région parisienne. À midi pique-nique ensemble. En arrivant à Ostabat il pleut. L'auberge est complète ; la commune ouvre un entrepôt où l'on peut dormir à l'abri. Une fois installés, nous sommes une dizaine à décider d'aller souper au petit resto basque où l'on nous sert une bonne soupe accompagnée de jambon et de fromages, de la région. La soirée se termine un peu arrosée. J'achète un paquet de cigarettes ! ar: Ostabat


39°)... Dans une propriété, j'aperçois un superbe figuier et demande à en ramasser. Saint Jean Pied de Port !(Il y a longtemps que je regardais en rêvant ce petit point noir en bas de la carte de France). Il me faut récupérer du courrier en poste restante, dont un tube de poudre pour les pieds, expédié par mon épouse. À l'auberge, il ne reste plus qu'une place. Jeannine, l'hospitalière, cuisine les traditionnelles pâtes. Nous sommes quelques-uns à vouloir l'aider... avec les figues je fais une marmelade mélangée avec du riz... de quoi caler l'estomac de nombreux pèlerins !

Une mauvaise nouvelle se répand, "Sirius", le chien de Kathy est blessé. Le petit train touristique lui aurait roulé dessus.

Martina et Clémens me font part de leur projet: rejoindre Santiago par le chemin côtier. Il m'offre le guide le camino del norte, moi, un tube de poudre "sénégalaise"... ar: Saint-Jean Pied de Port


40°)... Au matin, petite visite dans Saint-Jean... Rencontre de Kathy, elle doit mener son chien à Bayonne où il sera soigné, le moral est bas. Jean-Claude m'a dit qu'il va s'occuper d'elle pour les formalités.

Ma décision est prise : la suite de mon pélerinage sera le chemin côtier. Vers 14 h départ, Dirk veut m'accompagner jusqu'à la sortie de la vieille ville. Il marche nu-pieds. Le GR 10 est là, il faut se quitter.

Les Pyrénées sont devant moi. Ça grimpe dur et en plus je fais une erreur sur le parcours. Le paysage est tout de même magnifique, il n'y a aucune clôture, des moutons des chevaux gambadent en liberté. Tout en haut, mon arrivée a dû déranger un vautour qui prend son envol… Quand le soleil commence à décliner, je suis un peu inquiet mais tout en bas il y a des maisons, une longue descente en lacets et enfin une ferme. Un jeune homme me reçoit, je lui raconte mes mésaventures.

Avec sa sœur, ils parlent basque puis m'invitent à leur table La marmite de soupe est réchauffée avec d'autres bonnes choses. Dans cette maison trois générations, je leur présente une photo de famille (ma fille nous avait réunis avant mon départ).

On me prépare une chambre. Je suis un peu gêné d'être dans l'intimité de cette famille.

ar :  Banca


41°)... Au lever, petit déjeuner copieux, la maîtresse de maison me donne un saucisson et un sandwich. Elle veut aussi m'emmener en voiture à Saint-Étienne de Baïgorry pour retrouver mon chemin, mais là, je refuse. Se perdre fait partie du pèlerinage.

Je me trouve vers midi à Saint-Étienne, au départ du GR 10, un panneau annonce Bidarry

7 heures de marche. Des habitants me préviennent; pas de ravitaillement possible entre les deux villes. Pendant le repas de midi, je bois beaucoup d'eau puis pars avec 1 litre. Le décor est très beau mais je me sens emmuré, que ses montagnes m'isolent du magnétisme qui nous attire là-bas vers Compostelle… !

Mon litre d'eau est trop juste, je souffre de déshydratation. Une boîte de sardines me désaltère un peu. Juste avant Bidarry un bâtiment agricole avec un robinet extérieur.... ouf ! Là, c'est la douche. Au gîte, je retrouve Martina et Clémens. Il y a aussi un groupe de jeunes basques qui arrosent l'enterrement d'une vie de garçon, nous sommes invités à l'apéro. ar: Bidarry


42°)... Dimanche 4 Septembre le col des Veaux. Voulant prendre une variante, je passe côté espagnol et me perd. Après une très longue marche peut-être 40 km: Dancharia. En arrivant j'ai l'impression que c'est la fête ! Des voitures dans tous les sens, des civils font la circulation. Ici l'on vient acheter cigarettes et alcools, une vraie foire.

Le temps est maussade, il tombe du brouillard. Le dessous d'un balcon va me servir d'auberge. ar: Dancharia


43°)... Je retrouve mes amis autrichiens, la journée s'annonce bien mais la météo en décide autrement. Il se met à pleuvoir de plus en plus. Le chemin est jonché de grosses pierres lisses, Clémens va très vite il se fait plaisir à gambader comme un fou aux travers de ces rochers. Martina fait une petite chute, rien de grave puis elle et moi allons à notre rythme.

Une petite accalmie et j'en profite pour vider l'eau des chaussures, changer de chaussettes

[Ne jamais négliger une fin d'étape].

Arrivés au gîte de Manto Bayta, il y a bonne ambiance. Des randonneurs nous questionnent sur le pèlerinage. Martina veut préparer le souper.

Toutes les chaussures sont devant la cheminée. Malgré le temps, les montées et les descentes, nous sommes emplis de bonheur. ar: Manto Bayta

 


Le chemin oublié



44°)... À Urrugne, nous sommes sur le chemin côtier. La région ne paraît pas très accueillante, nous sommes attaqués par des chiens presque à chaque maison. Il faut bien deux bâtons pour les contenir, la mauvaise foi de leur maître est évidente. Mes amis autrichiens veulent prendre une variante pour aller sur une plage, moi je continue le chemin normal.

Hendaye...La frontière au pont Saint Jacques sur la Bidassoa, récent et guère esthétique, il demeure un symbole pour le pèlerin.


Irùn ,je suis complètement perdu, des travaux dans la ville, le fléchage me paraît inexistant. Je viens d'entrer en Espagne et déjà plus personne ne parle le Français. Impossible de pouvoir téléphoner à la maison...J’ai beau faire l'indicatif, rien. Je dois me rendre à l'auberge, ou plutôt à l'albergue calle Lucas de Berroa 10. Avec mon guide à la main, je montre l'adresse à un homme... Je me trouvais à côté !

Il y a ici de nouveaux pèlerins qui vont partir demain matin pour leur premier jour.

L’hospitalière, Anna, nous explique tout un tas de choses en plusieurs langues, un italien, qui n’a pas tout compris le film, fait durer la séance !

Un temps de prière nous est proposé où chacun peut s'exprimer. Je ressens combien ce moment tient à coeur à notre hospitalière.

Tu es un vrai pèlerin me dit-elle, ça se voit que tu as fait un long chemin. Je l'invite à partager mes pâtes, elle refuse par principe puis accepte.

Au dortoir, je fais la connaissance de William, retraité, il a déjà fait el camino Francés, se dit pas vraiment croyant... ar: Irùn


45°)... De bon matin, un petit groupe est au départ, sauf mes amis autrichiens car Martina est malade... Anna nous a bien expliqué comment suivre le fléchage, ça va mieux que la veille... Dans l'après-midi, je vais saluer un nouveau pèlerin: Samuel, il est Suisse, parle allemand et un petit peu le français.

Après avoir sympathisé, on chemine ensemble, le parcours est fort agréable. Il faut embarquer dans un bateau pour traverser la ria de Pasajes. En arrivant à Saint Sébastien ; La plage... Elle est immense, il y a encore beaucoup de baigneurs. Une pause s'impose... !

Samuel va camper, moi je dois traverser toute la ville pour trouver l'albergue. Un cycliste me guide gentiment jusqu'à l'auberge de jeunesse.

Enfin quelqu’un comprend mon problème avec le téléphone, il faut bien faire, depuis l'Espagne, l'indicatif 0033 mais pas le premier chiffre de mon numéro c'est-à-dire le 0. Mon épouse est heureuse d'avoir à nouveau de mes nouvelles... ar: Saint Sébastien


46°)... Longue marche solitaire. La côte est balayée par le vent, un crachin me pince le visage.

À Getaria, je ne trouve pas d'endroit où dormir. Je reprends donc le chemin, à la vue d'un pèlerin qui me suit, je l'attends. Il vient depuis la Forêt Noire à pied, il a fait un parcours un peu comme le mien. De Saint - Jean Pied de Port, il a pris le GR 11 dans les Pyrénées côté Espagne.

Anna me l'avait bien dit, un jour tu rencontreras Christophe. Il est très grand, sur son dos un sac de 25 kg... Qu'il porte avec aisance ! Il parle très bien le français, ce qui ne gâche rien. Notre rencontre fut pour moi d'un grand réconfort, la solitude commençait à me peser.

Au Pays basque, les églises ont « comme » de grands auvents, sur leur pourtour ce qui est bien pratique pour passer la nuit quand la météo est incertaine. ar: dans village après Getaria


47°)... Deba, je découvre la ville en haut d'une falaise, pour rejoindre le centre ville il suffit de prendre un ascenseur public ! La clé du refuge se trouve à l'office du tourisme, ici les gens me semblent accueillants, cet après-midi il y a fiesta. Les boutiques vont bientôt fermer. Il est temps de faire mes courses

Le refuge se trouve proche de la plage, il est minuscule, 6 places tout de même. ar: Deba


48°)... Le parcours me paraît dur, je suis seul et fatigué. À Bolibar, il y a une église avec auvent pour le dodo. Un couple d'habitants m'explique, avec mon guide en main, qu'il y a un monastère 2 km plus loin. Après une petite pause, je rassemble le reste de mes forces et grimpe jusqu'au monastère. La prière du soir est commencée, discrètement je prends place aux côtés d'un jeune espagnol, Ida est avec une danoise. Christophe arrive en fin de soirée.

Le menu est monastique: soupe accompagnée d'une eau plate et en dessert, pomme verte.

Il faut bien comprendre que les moines font ce qu'ils peuvent avec le "donitavo" des pèlerins de passage. Néanmoins le dortoir est très bien avec des douches toutes neuves aux rez-de-chaussée. ar: Bolibar


49°)... Un dimanche sous la pluie, en compagnie de Christophe. ar: Gernika


50°)... Le chemin est peu agréable, de la route… encore de la route… il pleut. Dans une très longue ligne droite, quelqu'un devant… je force l'allure et rejoins Samuel. À l'entrée de Lezama, l'orage redouble, il nous reste à trouver l'albergue: Ici, le refuge est dans une sorte de maison de chantier, l'accueil est assuré par deux hospitaliers.

Christophe arrive à son tour bien trempé. Tous les trois, nous décidons d'aller souper dans un resto typiquement basque. Dans une annexe, des hommes pratiquent un jeu de pelote, deux équipes de deux joueurs, leurs cris résonnent dans cette grande salle. L’ambiance est à la fête. ar: Lezama


51°)... Aujourd'hui la plus grosse ville de mon itinéraire, Bilbao. On peut visiter la cathédrale Santiago et le musée Guggenheim, pour ne citer que le principal. La ville, ce n'est pas ma tasse de thé ! Je pousse jusqu'à Portugalete, il est 20 heures 30 et pas d'albergue en vue...

Un homme m'accoste, un ancien pèlerin, il essaie en vain de me trouver quelque chose mais rien. Je finis par bivouaquer dans un terre-plein central de deux routes, j'ai mal dormi...

ar: Portugalete


52°)... Départ au petit jour, il faut marcher sur une piste cyclable pendant 13 km. Je retrouve avec bonheur Christophe et Samuel qui ont campé à l'entrée d'une petite ville. Ils se chauffent au soleil en fumant une cigarette. Sur la playa de la Arena, une photo nous réunit tous les trois. Arrivés à Castro Urdiales, visite de l’église.

Santa Maria, après quoi on se prélasse sur un banc face au port, aujourd'hui ce fut une belle journée en compagnie de mes amis. Le refuge se trouve dans le centre de sports. Dans un couloir, je croise "la pèlerine danoise", elle veut se joindre à nous pour le souper. Christophe et Samuel parlent allemand avec elle, moi je n'y comprends rien alors Christophe traduit un peu.

À notre retour surprise ! Dans notre dortoir deux clochards dorment, l'un est complètement bourré, il ronfle comme une locomotive. Nous sommes obligés d'aller dans la salle de sports avec nos matelas pour pouvoir dormir enfin... ar: Castro Urdiales


53°)... En compagnie de Christophe et Samuel, nous décidons de faire une variante trouvée sur leur guide allemand. Après une longue montée, c’est la récompense, l'endroit est sauvage en haut de la falaise, juste un petit sentier mal défini, bordé d'espèces de petits buissons qui nous griffent les jambes.

Une fois descendue nous sommes sur la côte de Laredo, le chemin est dallé, tout plat peut-être 4 km ou plus. Christophe part comme une fusée, Samuel le suit comme il peut, moi je suis largué.

À la pointe de l'embarquement, je les retrouve sur la terrasse d'un bistrot, « j’ai une bière de retard », puis c'est l'embarquement sur une navette pour traverser la ria de Treto et accéder à Santona où l'on trouve refuge dans un centre sportif municipal, là aussi il y a des tentes, nous les préférons pour la tranquillité car il y a des jeunes qui vont sûrement faire la fête une partie de la nuit. ar: Santona


54°)...Au matin, petit déjeuner dans une salle de réfectoire où il y a les jeunes sportifs, leur petit déjeuner est beaucoup plus copieux que le nôtre ! Alors ils nous donnent leurs surplus ce qui n'est pas du goût des gens du service.

Avant de repartir, nous assistons à une vente de poissons sur le port de pêche. Chemin faisant, il faut escalader une montagne pour arriver sur d'immenses plages. À marée basse, Il est agréable de marcher sur le sable bien tassé.

Rencontre d'une femme belge en compagnie d'une jeune espagnole, leur périple s'arrête à Santander.

L’albergue: la cabana del Abuelo Peuto, ici un hospitalier prépare le souper qui va être pris en commun, ambiance assurée ! ar: après Güemes

 

55°)... Une petite étape pour rejoindre Santander et se reposer un peu. Après Somo nous prenons un bateau passeur pour la dernière fois, la traversée va durer 30 minutes. Arrivés en ville de Santander, le refuge se trouve tout proche de la cathédrale Santa Maria. Le souper est pris dans un petit resto "qui affiche un menu pèlerin" où l'on se retrouve une bonne tablée. Le menu est fort copieux: paëlla, sardines grillées, café, vin à volonté.

Christophe s'arrête ici pour une semaine, sa femme va atterrir à Bilbao, après quoi il doit reprendre son chemin. Au moment de se dire au revoir, nos sentiments surgissent, on se donne l'accolade, dans son français bien à lui, il me dit que je suis très  “spécial “, qu'il est heureux de m’avoir rencontré. « Christophe …! Notre rencontre fut un partage... ». ar: Santander


56°)... Dimanche 18 septembre très longue traversée de Santander, "toutes les villes s’étalent le long de la côte" comme pour mieux profiter de l'océan.

Dans un village, Samuel me rejoint, c’est l'occasion de faire une pause. Une habitante nous invite à prendre du lait et des gâteaux.

À nouveau seul, un automobiliste s'arrête, il me propose de m'emmener, je le remercie beaucoup.

À Santillana del Mar, impossible de trouver l'entrée du monastère, je dois me rendre à l'évidence, il est fermé. Dans cette petite ville, il n'y a que luxure pour touristes. Je finis par dormir dans un bâtiment agricole. ar: Santillana


57°)... Sur la façade d'un bistro, une pancarte indique “Santiago 420 km“, je ressens qu’une page est tournée, le compte à rebours a commencé. Mes pensées vont vers Marie-Thérèse, mon épouse, je la revois le jour du départ... Oui je serai bientôt à la maison. En attendant il faut trouver un refuge. Je me rends à une adresse qui est sur le guide, l'accueil n'est pas très bon! Peut-être me suis-je trompé d'adresse...? Plus loin, je demande à un homme, il a la gentillesse de me guider... mais il me ramène au même endroit. Après une longue conversation dont je ne comprends pas un mot, l'homme, qui est à la fenêtre, finit par ouvrir la porte, il y a maintenant une place pour moi! Je m'en trouve contrarié et repars en remerciant celui qui m’a accompagné.

En ville, un immeuble en chantier avec au sous-sol un endroit où des ouvriers ont dû dormir. Pour cette nuit, ça ira... ar: San Vincente de la Baraquera


58°)... Levé très tôt, je marche le long d'une route nationale. Il fait encore noir et pas très chaud. 11 km plus loin, sur un chemin cimenté et fort dénivelé, il fait bon prendre son petit déjeuner tout en se chauffant au soleil... Une vieille dame qui habite tout proche, m’apporte une casserole de lait chaud, des gâteaux et beaucoup de fruits. Il me faudrait un poney pour le transport ! Le moral revient.

Aujourd’hui une très longue étape m’attend, pas de marcheur en vue. Ce soir une albergue est la bienvenue. Je popote mon souper, une allemande vient me saluer: Barbara est tout simplement radieuse. Il me semble que l'on a beaucoup de choses à se raconter... ar: Llanes


59°)... Une petite étape, 20 km peut-être.


60°)... À Ribadesella, à 13 heures, arrêt sur la plage de La Vega, elle est immense, mon guide dit que c'est le paradis des surfeurs; je confirme. Une petite baignade avant le déjeuner. De nouveau en chemin, le parcours est agréable, fait de montées, suivi de descentes, c'est le "côtier". La Isla entre océan et montagnes est une petite ville accueillante. Au refuge il y a un allemand mais la communication est impossible! Barbara arrive, elle nous sert d'interprète... Demain, le chemin entre dans les terres, je suis un peu triste à l'idée de ne plus revoir l'océan c'est pourquoi demain je prendrai un jour de repos ici. ar: La Isla

 

61°)... Donc aujourd'hui repos, Barbara se lève, je lui prépare son petit déjeuner puis nous partons dans d'interminables causeries tout en grignotant des gâteaux secs. Lorsque nous redescendons sur terre, il est 13 heures. Elle veut reprendre son chemin, moi je vais faire un tour sur la plage. Elle est presque déserte, une pluie fine se met à tomber. L’automne serait-il arrivé ??


62°)... Après une journée de repos, le beau temps revenu, je me sens d'attaque pour une longue étape. Le chemin se sépare en deux, ceux, qui ont le guide allemand, prennent le chemin du nord, les autres, comme moi, prennent le chemin intérieur des terres (le Primitivo). À bien réfléchir j'ai des amis sur tous les chemins qui mènent à Compostelle.

Arrivé au monastère... William m'accueille, il est un peu inquiet pour le souper, ici on ne sert pas de repas et nous sommes en pleine campagne. Le long des fossés, j'avais glané quelques pommes de quoi faire une bonne compote. Nos deux fonds de sac mis en commun, font un bon repas, il y a même des restes! ar: monastère Cistercien



63°)... Dimanche 25 septembre, longue pérégrination sous la pluie en compagnie de William. À Pola de Siero nous assistons à une procession religieuse. Je téléphone à la maison, ma fille me répond, elle est venue avec son mari rendre visite à mon épouse; les nouvelles sont bonnes.

En fin de soirée, rencontre d'un pèlerin à cheval, je dois lui tenir sa bête sur le parvis de la cathédrale d'Oviédo, le temps qu'il fasse tamponner sa crédenciale. Il a beaucoup de succès (le cheval) tout le monde veut le caresser, mais il bouge rudement, j'ai de la peine à le tenir... Ouf ! Son propriétaire revient enfin.

Une petite albergue nous attend en ville. ar: Oviedo


64°)...Au départ de la ville, une coquille dorée placée au sol indique le chemin. Puis retour dans le monde rural, un vieux monsieur de quatre-vingt-onze ans est à la porte d'une chapelle, il attend les pèlerins avec ses deux petits chiens. C'est l'occasion de faire une pause, à notre départ il nous honore, “Dieu vous bénisse, Dieu vous protège. “

Une dizaine de kilomètres plus loin, William décide de s'arrêter, je pense qu'il a un début de tendinite, il y a tout proche une auberge où il pourra se reposer un peu, moi je continue jusqu'à Villapanada.


65°)... Villapanada...Salas.


66°)… Ici, finis les grosses berlines allemandes, 4x4 et autres rencontrés sur la côte! Un chemin creux à flanc de colline nous mène à travers une campagne vallonnée dans un paysage de bocages où beaucoup de paysans travaillent à la main. ar: Tineo


67°)... Une bonne étape, environ 30 km, il faut bien parler de kilomètres de temps en temps …!  Vers 9 h 30, le brouillard se lève à Campiello, il y a un bar épicerie-quincaillerie que j'apprécie beaucoup "l'esprit familial". Une journée en solitaire. ar: Pola de Allandre



68°)...Pola de Allandre, La Mesa par le col du Palo 1146 mètres, d’où l'on découvre une région balayée par les vents, ces hauts plateaux sont peuplés d'éoliennes. Le paysage désolé, loin de tout hameau donne une sensation de vivre hors du temps et de toute agitation.

Arrivé à La Mesa, il y a tout de même un refuge pour pèlerin. Après avoir feuilleté mon guide, je constate qu'il me reste environ 8 jours... À 19 heures, deux italiens arrivent ils font le chemin en sportif, 40 à 50 km par jour, l'un d'eux a mal à un pied mais son ami ne veut rien savoir, je me dis qu'il y a parfois du bon d'être seul... Avant d’éteindre la lampe, je leur propose: de lire une prière. ar: La Mesa


69°)...Départ au lever du jour, il est tout de même 8 heures. Après avoir cheminé sur des hauts plateaux, c'est le plongeon vertigineux (800 m de dénivelé) vers le barrage de Salime, bien sûr il faudra remonter. À Grandas de Salime, les italiens continuent leur chemin. Il y a un office à 13 heures, le prêtre me dit connaître Paray le Monial (proche de chez moi). Aujourd’hui je mange au restaurant, il faut dire que c’est mon anniversaire. Le patron est heureux d'avoir à sa table un pèlerin français, on sympathise. ar: Grandas de Salime


70°)... De Grandas de Salime à Fonsagrada, 15 km plus loin, entrée en Galice, les coquilles servants au balisage sont inversées par rapport à celles rencontrées en Cantabrie et en Asturie, il ne faut pas chercher d’explications c'est comme cela. On rencontre également la première borne Jacquaire affichant le compte à rebours PK 170 km 937m précisément pour atteindre la cathédrale, pourquoi aussi une telle précision?

Encore un col de 1030 m avec des rangées d'éoliennes et le vent qui souffle en rafales...

ar :Fonsagrada


71°)... En arrivant à Cadavo Baleira une petite chienne aboie, c'est le signal, sa maîtresse peut sortir discuter! Elle était concierge d'immeuble à Paris pendant quinze ans, de bons souvenirs, mais ses racines sont ici. L’albergue de 22 places pour moi tout seul; je ne vais tout de même pas m'ennuyer car il y a les courses à faire, la popote, le linge, envoyer une carte postale, téléphoner à la maison, même voir l'itinéraire pour demain. ar: Cadavo Baleira


72°)… Dans cette arrière-saison, il est bon de dormir à l'auberge car ce matin, une rosée blanche couvre la campagne, 0°C sans doute. Aujourd'hui je veux rejoindre Lugo distant de 32 km. Dans ces régions, les champs sont clos par de minces dalles plantées dans le sol ce qui forme des murets.

Quand on arrive à Lugo, de grands immeubles blancs couverts d'ardoises contrastent avec le paysage vu avant. Plus loin, la vieille ville est entourée de murailles romaines classées patrimoine de l'humanité, longue de 2 km jusqu'à 7 m d'épaisseur, sur une hauteur comprise entre 8 et 12 m.

À la sortie de la cathédrale un clochard "me tape une cigarette" et m'en rafle trois ou quatre qui dépassent du paquet, prétextant qu’il n’est pas seul... Au moment de quitter le parvis, ils me font des signes de reconnaissance, leurs façons bien à eux de dire merci me touchent beaucoup.

Rencontre d'un pèlerin belge, il revient de Santiago et rentre chez lui en faisant des portions à pied ou en stop, même en bus.

Sa carte bancaire ne fonctionne plus, à mon initiative, je lui prête un billet.

En compagnie de mon nouvel ami, nous allons faire un tour à la fiesta, dans la ville. Il y a un monde fou. Sur un podium, un groupe de jeunes chanteurs se produit, c'est la cohue, les jeunes filles sont complètement hystériques...

De retour à l'auberge il est difficile de dormir, des fêtards font du bruit jusqu'au petit matin. En Espagne quand c'est la fiesta, c'est la fiesta... ar: Lugo


73°)... Une longue étape de 38 km va me faire rejoindre le “caminot francés“. À Palas de Rei, on m’indique un refuge privé où l'on encaisse mes 8 € pour la nuitée.

Après avoir monté deux étages à la recherche d'un lit, tout est occupé. Rebelote avec la patronne (les deux étages), il faut se rendre à l'évidence, ici on vend même s’il n'y a plus de place!

Un peu plus loin, une auberge municipale: complète aussi où je finis par mettre mon couchage dans une sorte de couloir au dernier étage. ar: Palas de Rei


74°)... Arrivé à 15 heures en ville de Arzua, à l'albergue de pérégrinos, je choisis un matelas au sol plus confortable que les lits. Tout va bien, demain encore une longue étape et je serai tout près de mon but...

En attendant, Valéria, originaire d'Uruguay, vient s'asseoir sur la grosse pierre où je me trouve, elle apprécie mes châtaignes cuites à l'eau. ar: Arzua


75°)... Je pars trop tôt et me retrouve dans le noir total à la sortie de la ville...

J’attends un peu, quelqu’un arrive. Avec sa lampe électrique, on arrive à voir les indications sur les bornes. Le chemin file entre les forêts d’eucalyptus.

Une bonne étape 37 km jusqu'a Monte-do-Gozo (5 km avant la cathédrale) le refuge des pèlerins, un gigantesque complexe: 800 places ! Ça me rappelle la caserne à Montbéliard...

Le soir venu, je popote sur mon réchaud à bois, ce qui intrigue deux jeunes espagnoles Anna, avec son amie, el Rocío de la Mañana, “La Rosée Du Matin “,c’est bien la première fois que je rencontre quelqu'un avec un prénom aussi inattendu ! La Rosée Du Matin parle couramment le français, Anna très peu, pourtant elle dit avoir fait un stage en France. Je les trouve très curieuses, elles veulent connaître mes motivations profondes. Toutes deux font les cent derniers kilomètres pour avoir la Compostella car, en Espagne ce "diplôme" est un plus sur un CV.

J’offre mon réchaud à Anna (une fois refroidi) c'est l'occasion de faire une photo.

La soirée se termine à la cafétéria du centre, en compagnie d’autres jeunes espagnols.

ar: Monte-do-Gozo


76°)... Samedi 8 octobre 2005. Il me reste 5 km à parcourir, mes sentiments sont partagés entre la joie d'arriver et de sentir la fin du périple.

À l'entrée de Santiago,une petite épicerie: j'en profite pour faire des courses de quoi tenir plusieurs jours. L’expérience me dit que dans les lieux touristiques on trouve des souvenirs mais peu de choses utiles! En ville, le fléchage est difficile à suivre. Je pense à la cathédrale et je m'attends à la découvrir au coin d'une rue...

La Cathédrale Saint Jacques de Santiagoest devant moi! Il est 9 heures 30. Peu de monde à cette heure-ci.

Le parvis est immense avec à son centre le point zéro où il faut mettre ses deux pieds "ou ce qu'il en reste" pour la tradition.

À l'accueil la "Compostella" est délivré sur présentation de la crédenciale avec, en plus, quelques questions. Diplôme qui atteste de l'avoir fait dans l'esprit du chemin.

Puis coup de fil à mon épouse, je m'en trouve ému de partager ce moment unique.

Je vais faire une pause casse-croûte. Surprise, Kahy vient me saluer. Elle est radieuse, tout va bien, elle habite tout proche ce qui lui permet de voir les nouveaux arrivants. Elle a du faire Saint Jean Pied de Port - Santiago en voiture car la date de ses cours approchait, "Sirius" s'est bien remis de son accident.

Elle m'informe que mes amis, Jean-Claude, Dirk, et bien d'autres sont arrivés ici, il y a une bonne semaine. Je ne les reverrai pas : ils sont déjà repartis...

À midi, messe des pèlerins; dans la cathédrale il n’y a déjà plus de place, je dois m'asseoir sur le sol devant une rangée de bancs. La foule, tous ces gens que je ne connais pas, qui ne parlent pas ma langue, je me sens un peu esseulé. Quand tout à coup une main me tape sur l'épaule…

Pendant la cérémonie, j'imagine que dans l'au-delà, il en est ainsi...

À la sortie, retrouvailles avec Martina, Clémens et Kathy nous avons beaucoup de choses à nous raconter. Avant de se séparer, un lieu de rendez-vous est fixé pour 19 heures.

Je dois aller à l'albergue dans le séminario pour trouver un lit.

Chose faite, je flâne dans la vieille ville et retrouve le groupe d'espagnols dont Anna, rencontrée la veille. Ils veulent connaître mes amis. Après présentation, Anna nous propose une visite guidée, elle connaît bien les lieux (elle habite à 30 km d’ici) et veut nous faire partager sa passion de l'art. Mais nous ne sommes pas très réceptifs ! La soirée se termine chez "Magnolo", un restaurant rapide, où l'on mange très bien.


77°)... Ce dimanche matin, j’écris des cartes postales... dont quatre personnalisées à l’intention de mes enfants: Judicaël, Céline, Adrien et Jean-luc.

Je vais tout de même faire un tour sur le parvis de la cathédrale et là surprise! Samuel et William viennent d'arriver. Après avoir fait un bref tour d'horizon de nos aventures, il est presque midi, la messe va bientôt commencer. Comme c'est dimanche, William pense que l'on va voir le Botafumeiro en action. Mais il n'en est rien, c’est sans doute pour les grandes occasions... à la sortie Martina et Clemens se joignent à nous pour aller déjeuner au restaurant. Dans l'après-midi, un temps de solitude met nécessaire. Dans la cathédrale, il y a une chapelle nommée la Corticella avec à l'intérieur le Christ Del Huerto, c’est là que je peux déposer les intentions écrites. J’en profite pour feuilleter mon carnet, afin d’avoir une pensée particulière pour celles et ceux rencontrés sur le chemin.

Sans oublié ma famille, mes amis, mes voisins...


78°)... En début d'après-midi, rendez-vous avec William et Samuel. Nous décidons d'aller visiter le musée des pèlerins mais il est fermé... Alors nous visitons celui de la cathédrale où je retrouve Barbara. En souvenir de notre rencontre, je lui offre mon petit dictionnaire qu'elle aimait bien. Le soir venu, on se fait un petit resto et je remets à Samuel mon chapelet : Samuel ! “Quand tu as dis ne pas connaître cette « chose » alors j’ai pensé que celui qui était dans ma poche depuis Le Puy en Velay était pour toi “.

Dans la rue on se dit au revoir ou adieu sous une pluie battante. Je regagne le séminario en toute hâte.


79°)... Mardi, jour du retour, il pleut... à 8 h 30 départ en gare routière de Santiago. Le car file à toute allure sur l'autoroute, des panneaux indicateurs évoquent des noms de villes traversées à pied. Le vide se fait en moi.


80°)... Après 25 heures de voyage, j'arrive à Lyon à 9 h 30. Puis un train me conduit en gare de Roanne où mon épouse m’attend en haut des escaliers...



Une autre vie


Voilà ainsi s'achève ce merveilleux voyage de quatre-vingts jours.C'est beaucoup et peu à la fois. Tout va très vite, il faut gérer l'itinéraire, toutes les choses matérielles comme laver son linge, prévoir les repas, trouver où dormir etc. etc.



Plus de 2000 km, je ne pensais pas un jour aller si loin "avec mes deux pieds"! Il ne s'agit pas là d'une quelconque performance mais d'une pérégrination. Les kilomètres sont là pour nous faire aller de l'avant, aller vers l'Autre, visiter des sanctuaires, obtenir une forme de détachement, avoir une approche spirituelle, quête d’amour, rencontrer la solitude, se retrouver soi-même.Être l'acteur de sa vie, de sa foi. Porteur d'espérance.


Sur la terre, nous sommes aussi des pèlerins de passage.

Vivre un petit Pèlerinage de quatre-vingts jours, c'est vivre une autre vie, une vie concentrée d’où l'on en revient touché au cœur.


Je voudrais ici rendre hommage :À mon épouse Marie-Thérèse, sans sa complicité rien n'était possible. Moi je n'ai que très peu de mérite, si ce n’est d'avoir saisi le moment présent (l'opportunité), la Providence a fait le reste... À celles et ceux qui m’ont porté dans leurs prières.


Pourquoi avoir changé d'itinéraire à Saint Jean Pied De Port :Certes Martina et Clemens m’ont influencé en me montrant une carte côtière : l'océan, le rêve... ! Pouvoir marcher le long de l'océan... ! Peut-être avais-je besoin de rencontrer cet élément…


Le chemin côtier :Après Villavicioso, il se sépare en deux, il devient le Primitivo par Oviedo ou le Norté par Cijon.

Le chemin côtier où « le chemin oublié », encore mal défini, il se cherche, sans doute tiraillé pour des raisons économiques.

À nous pèlerins de ne pas pourrir le chemin avec l'argent facile, au risque de devenir des cartes bancaires à deux pattes !


Les auberges : Que nous soyons pèlerins ou randonneurs, si un temps de recueillement nous est proposé, pratiquement tous participent et là on touche bien le sens principal de notre démarche. Je ne me souviens pas d'un manque de confort mais parfois d'un vide spirituel.


Ce que m'a apporté ce périple :Une question bien compliquée… !

-un grand bonheur intérieur : avoir osé dire oui à un appel et l’avoir accompli. Ce qui a Contribué a augmenté ma foi.

-S’abandonner à la Providence.

-Apprendre à recevoir.

- Reconnaître que l'on a besoin de l’Autre, pour qu’un partage ait lieu. J’ai découvert qu’il est aussi difficile de recevoir que de donner...

-Savoir dire merci sans vouloir s'acquitter.

-Des rencontres, qu’elles soient moniales, avec l’habitant, l’hospitalier ou le pèlerin, beaucoup sont entrés dans mon coeur. Je ne les reverrai sûrement jamais, cependant Myriam a écrit sur mon carnet : on se retrouvera tous et toutes auprès de LUI ...

Qui a trouvé un amis, a trouvé un trésor au ciel “.

Voilà… avec mes mots, avec mon ressenti j'avais envie de vous raconter tout cela...



Raymond,        Ultreïa


 


Au printemps 2006, fin de mon journal